REDRESSEMENT JUDICIAIRE
La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de
l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle
donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et,
le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers (voir fiche La
sauvegarde).
I. CONDITIONS
A. Qui est concerné ?
La procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise
commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale) ainsi
qu'aux personnes morales de droit privé (une association, par exemple)
B. Quand faire la demande ?
Seule la cessation des paiements, situation dans laquelle l'entreprise est dans
l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, peut
justifier l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire (article L. 631-1
du Code de commerce).
C. Comment faire la demande ?
L'ouverture de la procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans
les 45 jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai,
demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation (voir fiche La conciliation).
La procédure peut aussi être ouverte sur assignation d'un créancier ou sur
requête du ministère public à condition qu'il n'y ait pas de procédure de
conciliation en cours. Le tribunal peut également se saisir d'office, notamment en
cas d'échec de la procédure de conciliation (voir fiche La conciliation).
La demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire est déposée
par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne
physique au greffe du tribunal compétent.
Remarque :
le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur,
personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré
l'adresse de son entreprise ou de son activité.
Il doit joindre à sa demande, outre les comptes annuels du dernier exercice, les
pièces suivantes établies à la date de la déclaration :
- l'état du passif exigible et de l'actif disponible ainsi qu'une déclaration de
cessation des paiements,
- un extrait k-bis,
- une situation de trésorerie (c’est-à-dire un document comptable qui établit les
dettes et les créances de l'entreprise et qui permet donc de connaître sa
situation exacte) datant de moins d'un mois,
- le nombre des salariés employés à la date de la demande, le nom et l'adresse
de chacun d'entre eux et le montant du chiffre d'affaires apprécié à la date de
clôture du dernier exercice comptable,
- l'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication du nom et du
domicile des créanciers et, pour les salariés, le montant global des sommes
impayées,
- l'état actif et passif des sûretés (c'est-à-dire les garanties accordées aux
créanciers pour le recouvrement de leurs créances) ainsi que celui des
engagements hors bilan,
- l'inventaire sommaire des biens de l'entreprise : immobilisations (biens
immobiliers, fonds de commerce, mobilier, matériel, immobilisations
financières), valeurs d'exploitation (stocks, en cours de production), valeurs
réalisables et disponibles (créances sur clients, autres créances, disponibilités
en banque et en caisse),
- s'il s'agit d'une personne morale comportant des membres responsables
solidairement des dettes sociales, la liste de ceux-ci avec l'indication de leur
nom et domicile,
- le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués
du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été
désignés,
- une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de désignation d'un
mandataire ad hoc ou d'ouverture d'une procédure de conciliation dans les 18
mois précédant la date de la demande (dans le cas contraire, une attestation
sur l'honneur faisant état d'une telle désignation ou de l'ouverture d'une telle
procédure en mentionnant sa date ainsi que le tribunal qui y a procédé),
- la copie de la décision d'autorisation ou la déclaration, lorsque le débiteur
exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du
Code de l'environnement.
Ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le
représentant de l'entreprise.
Remarque :
en cas d'impossibilité de fournir l'un de ces documents, la demande n'est pas
pour autant irrecevable, il suffit, dans ce cas, d'indiquer les motifs de cet
empêchement.
II. PROCÉDURE
Le tribunal fixe la date de cessation des paiements. En cas de difficulté pour la
déterminer précisément, elle est fixée à la date du jugement d'ouverture. Elle
peut être reportée une ou plusieurs fois sans jamais être antérieure de plus de
18 mois au jugement constatant la cessation des paiements.
Le tribunal rend un jugement d'ouverture de la procédure de redressement dans
lequel il désigne le juge-commissaire mais aussi deux mandataires de justice :
- un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt
collectif des créanciers ;
- un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion
ou de l'assister dans ses actes de gestion.
Remarque :
toutefois, le tribunal n'est pas tenu de désigner un administrateur judiciaire
lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'une personne dont le nombre de
salariés est inférieur à vingt et dont le chiffre d'affaires hors taxes est inférieur à
trois millions d'euros.
Attention : s'il constate que le redressement est manifestement impossible, le
tribunal prononcera la liquidation judiciaire.
Le jugement qui ouvre la procédure de redressement judiciaire est notifié au
débiteur par le greffier dans les huit jours de la date du jugement et est
mentionné au registre du commerce et des sociétés. Le greffier procède d'office
aux formalités de publicité dans les quinze jours de la date du jugement
(BODACC, avis de parution dans un journal d'annonces légales).
A. Période d'observation
1. Généralités
La procédure de redressement commence par une période d'observation d'une
durée maximale de 6 mois, renouvelable une fois. Elle peut aussi être
exceptionnellement prolongée de 6 mois.
Pendant cette période d'observation, l'administrateur peut être chargé d'assister
le débiteur ou assurer seul l'administration de l'entreprise.
Dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire du patrimoine de
l'entreprise. Celle-ci remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste
de ses créanciers, de ses dettes et des principaux contrats en cours. Elle les
informe également des éventuelles instances en cours.
Au plus tard au terme d'un délai de 2 mois à compter du jugement d'ouverture,
le tribunal peut ordonner la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît
que l'entreprise dispose de capacités de financement suffisantes.
Remarque :
dès l'ouverture de la procédure, les tiers intéressés par la reprise de l'entreprise
sont admis à soumettre à l'administrateur leurs offres tendant au maintien de
son activité, par une cession totale ou partielle de l'entreprise.
2. Événements pouvant intervenir au cours de la période
d'observation
a) Clôture de la procédure de redressement judiciaire par
extinction du passif
S'il apparaît, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des
sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les
dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à la période
d'observation et l'entreprise peut cesser son activité.
b) Cession totale ou partielle de l'entreprise
La procédure de redressement judiciaire a pour objet la continuation de
l'entreprise. Néanmoins, le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle
de l'entreprise si le débiteur est dans l'impossibilité d'en assurer lui-même le
redressement. Dans ce cas, ce sont les règles de la cession d'entreprise, de la
liquidation judiciaire, qui s'appliquent.
c) Cessation partielle de l'activité ou liquidation judiciaire
A tout moment de la période d'observation, d'office ou à la demande du débiteur,
de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public
le tribunal peut ordonner la cessation partielle de l'activité. Il prononce la
liquidation judiciaire et met fin à la période d'observation quand le redressement
est manifestement impossible.
B. Élaboration du plan de redressement
1. Bilan économique et social
Pendant la période d'observation, l'administrateur établit le bilan économique et
social de l'entreprise qui précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés
de l'entreprise. Au vu de ce bilan, il propose un plan de redressement. De son
côté, le mandataire dresse la liste des créances déclarées qu'il transmet au jugecommissaire.
2. Établissement et arrêt du plan de redressement
À l'issue de la période d'observation, lorsque l'entreprise a des chances d'être
sauvée, le tribunal adopte un plan de redressement. Il indique d'abord les
mesures économiques de réorganisation de l'entreprise. Cette réorganisation
peut comporter l'arrêt, l'adjonction ou la cession d'une ou plusieurs activités. Le
plan de redressement prévoit les modalités de règlement des dettes, déduction
faite des délais et remises consentis par les créanciers.
Lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être redressée, le
tribunal arrête un plan qui met fin à la période d'observation.
Attention : les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou
une garantie autonome ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan.
3. Durée du plan
La durée du plan ne peut excéder dix ans.
III. EFFETS DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE
A. Sort de l'entreprise
1. Continuation des contrats en cours
La poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de
l'activité de l'entreprise. D'autres, en revanche, peuvent être de nature à
aggraver la situation déjà fragilisée de l'entreprise. En conséquence,
l'administrateur a, seul, la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours.
Dans le doute, le cocontractant saura que le contrat est résilié de plein droit
après envoi d'une mise en demeure à l'administrateur restée plus d'un mois sans
réponse.
Lorsque le contrat est poursuivi, chacune des parties doit en exécuter les
obligations.
Remarque :
si l'administrateur décide de ne pas continuer le bail commercial, il peut en
demander la résiliation. Dans ce cas, elle prend effet au jour de sa demande.
2. Interdiction des paiements
Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer
toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture (sauf compensation
de créances connexes, quand deux personnes sont créancières et débitrices l'une
de l'autre, la compensation permet d'éteindre les deux dettes à concurrence de
la plus faible). En revanche, les créances nées régulièrement après le jugement
d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période
d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son
activité professionnelle pendant cette période, sont payées à leur échéance.
B. Sort du débiteur
L'administrateur est chargé d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la
gestion ou certains d'entre eux. Il peut également assurer seul, entièrement ou
en partie, l'administration de l'entreprise.
Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et
d'administration ainsi que les droits et actions qui ne sont pas dévolus à
l'administrateur. Les actes de gestion courante accomplis par le seul débiteur
sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi. Quant à l'administrateur, il
est tenu de prendre tous les actes nécessaires à la conservation des droits de
l'entreprise et à la préservation des capacités de production.
A compter du jugement d'ouverture, les dirigeants de droit ou de fait rémunérés
ou non ne peuvent plus, à peine de nullité, céder leurs parts sociales.
Le juge-commissaire fixe la rémunération du débiteur, personne physique, ou du
dirigeant de la personne morale.
C. Sort des créanciers
1. Comités de créanciers
Attention : seules les entreprises dont les comptes ont été certifiés par un
commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre
de salariés est supérieur à 150 salariés ou le chiffre d'affaires à 20 millions
d'euros sont concernées.
Dans un délai de trente jours à compter du jugement d'ouverture,
l'administrateur judiciaire réunit les établissements de crédit et les principaux
fournisseurs de biens ou de services en deux comités de créanciers.
Chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des
principaux fournisseurs lorsque ses créances représentent plus de 5 % du total
des créances des fournisseurs. Les autres fournisseurs peuvent en être membres
sur sollicitation de l'administrateur.
Les comités sont appelés à se prononcer sur le projet de plan. Après s'être
assuré que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés, le
tribunal entérine le projet en arrêtant le plan.
2. Créances antérieures au jugement d'ouverture de la
procédure
a) Déclaration de créance
A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est
née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés,
adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers.
Attention : les créanciers titulaires d'une sûreté publiée (hypothèque, par
exemple) ou liés au débiteur par un contrat publié (contrat de crédit-bail, contrat
de vente avec clause de réserve de propriété, location-gérance, contrats portant
sur les brevets et marques, etc.) sont avertis personnellement.
b) Arrêt des poursuites individuelles
Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à
la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, à la résolution
d'un contrat pour défaut de paiement de paiement d'une somme d'argent. Il en
est de même des voies d'exécution (c'est-à-dire l'ensemble des procédures
permettant d'obtenir l'exécution des actes et des jugements).
c) Arrêt du cours des intérêts
Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,
ainsi que de tous les intérêts de retard et majorations (sauf s'il s'agit d'intérêts
résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an
ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus dus).
Attention : Contrairement à ce qui est prévu dans la procédure de sauvegarde,
les personnes physiques coobligées ou ayant consenti un cautionnement ou une
garantie autonome ne peuvent pas se prévaloir de ces dispositions.
3. Créances postérieures au jugement d'ouverture de la
procédure
Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins
du déroulement de la procédure ou de la période d'observation sont payées à
leur échéance. Les autres créances sont payées par privilège avant toutes les
autres créances à l'exception du superprivilège des salaires, des frais de justice
et du privilège de la conciliation (voir fiche La conciliation).
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