LA CONCILIATION
Comme le mandat ad hoc, la procédure de conciliation a pour objet de
rechercher un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers afin
de résoudre les difficultés rencontrées par l'entreprise. Cette procédure, issue de
la loi de sauvegarde des entreprises, remplace celle du règlement amiable.
I. CONDITIONS
A. Qui est concerné ?
Les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale peuvent
demander à bénéficier d'une procédure de conciliation.
Remarque :
les professions libérales, même celles qui sont réglementées, peuvent bénéficier
de la procédure de conciliation. Le tribunal de grande instance est alors
compétent.
B. Quand faire la demande ?
La procédure de conciliation s’adresse aux entreprises qui éprouvent une
difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et qui ne se
trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours
(article L. 611-4 du Code de commerce).
En d'autres termes, les entreprises peuvent bénéficier de la procédure de
conciliation alors même qu’elles sont, déjà mais depuis peu de temps, en état de
cessation des paiements.
C. Comment faire la demande ?
Le chef d'entreprise qui souhaite bénéficier de ce dispositif doit adresser par
courrier sa requête au président du tribunal de commerce dans laquelle il expose
sa situation économique, sociale et financière, ses besoins de financement ainsi
que, le cas échéant, les moyens d'y faire face.
La requête doit être remise en quatre exemplaires et accompagnée des pièces
suivantes :
- un extrait k-bis,
- l'état des créances et des dettes accompagnées d'un échéancier ainsi que la
liste des principaux créanciers,
- l'état actif et passif des sûretés (c'est-à-dire les garanties accordées aux
créanciers pour le recouvrement de leurs créances) ainsi que celui des
engagements hors bilan,
- les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l'actif
réalisable et disponible, valeurs d'exploitations (c'est-à-dire les stocks et les
productions en cours) exclues, et du passif exigible des trois derniers
exercices, si ces documents ont été établis.
Le cas échéant, la requête doit indiquer le cas échéant :
- la date de cessation des paiements,
- l'identité et l'adresse du conciliateur proposé par le débiteur au président du
tribunal.
Le coût de la requête s'élève environ à 150 € à régler par chèque libellé à l'ordre
du greffe du tribunal de commerce compétent.
II. DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE DE CONCILIATION
Dès réception de la demande, le président du tribunal reçoit le représentant légal
de la personne morale débitrice ou le débiteur, personne physique, pour recueillir
ses explications.À l'issue de l'entretien, le magistrat désigne un conciliateur par ordonnance. Il
définit l'objet de sa mission et fixe les conditions de sa rémunération. La durée
de cette procédure est limitée à quatre mois mais elle peut être prorogée d'un
mois à la demande du conciliateur.
Remarque :
le débiteur peut également proposer le nom d'une personne en particulier.
L'ordonnance est notifiée au chef d'entreprise et au conciliateur par le greffier.
Elle est également communiquée au ministère public (article L. 611-6 du Code de
commerce) et ne peut faire l'objet d'aucun recours.
A. Pouvoirs du juge
Le président du tribunal peut obtenir communication de renseignements de
nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et
financière du débiteur auprès du commissaire aux comptes, des représentants du
personnel, des administrations, des services chargés des risques bancaires et des
incidents de paiement.
Il peut également charger un expert de son choix d'établir un rapport sur la
situation économique, sociale et financière du débiteur ou encore obtenir tout
renseignements des établissement bancaires et financiers.
B. Nomination du conciliateur
1. Incompatibilités
Le choix ne peut porter sur une personne ayant perçu directement ou
indirectement, au cours des vingt-quatre derniers mois, une rémunération ou un
paiement de la part du débiteur, d'un de ses créanciers ou d'une personne qui en
détient le contrôle ou est contrôlé par le débiteur (au sens de l'article L. 233-16
du Code de commerce).
Le conciliateur fait connaître sans délai au président son acceptation ou son
refus. En cas d'acceptation, il lui adresse l'attestation sur l'honneur qu'il ne
tombe pas sous le coup d'un incompatibilité.
En outre, cette mission ne peut être confiée à un juge consulaire en fonction ou
ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans.
2. Confidentialité
Comme toute personne appelée à une procédure de conciliation ou qui, par ses
fonctions, en a connaissance, le conciliateur est tenu à la confidentialité.
3. Mission
a) Étendue de la mission
Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion d'un accord amiable
destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise entre le débiteur et ses
principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels
(fournisseurs, clients, partenaires).
Il peut formuler toutes propositions de nature à garantir la sauvegarde de
l'entreprise, la poursuite de l'activité et le maintien de l'emploi.
Dans ce but :
- le conciliateur peut obtenir du débiteur tout renseignement utile ;
- le président du tribunal de commerce lui communique les informations dont il
dispose ;
- les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les
ASSEDIC peuvent consentir des remises de dettes.
b) Fin de la mission
Le conciliateur rend compte au président du tribunal de l'état d'avancement de
sa mission. S'il ne peut l'accomplir, en raison du rejet de ses propositions par le
débiteur, il peut demander au président du tribunal de commerce de mettre fin à
sa mission. De la même façon, le débiteur peut, à tout moment, demander au
président du tribunal de commerce de mettre fin sans délai à la procédure de
conciliation.
c) Échec de la mission
En cas d'échec de la conciliation, à savoir si les créanciers ne sont pas parvenus à un accord, le conciliateur présente son rapport au président du tribunal. Ce
dernier met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. Cette décision est
notifiée au débiteur (article L. 611-7 du Code de commerce) qui se retrouve dans
la situation antérieure à l'ouverture de la procédure. En cas d'aggravation, ce
sera la cessation des paiements et l'ouverture d'une procédure de redressement
judiciaire (voir fiche sur Le redressement judiciaire).
Cette décision n'est pas susceptible de recours.
4. Rémunération
Après avoir recueilli l'accord du débiteur, le président du tribunal fixe les
conditions de rémunération du conciliateur lors de sa désignation en fonction des
diligences nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Sa rémunération est
arrêtée par ordonnance à l'issue de sa mission.
5. Récusation possible du conciliateur
a) Motifs
L'ordonnance doit mentionner la faculté offerte au chef d'entreprise de demander
la récusation du conciliateur en cas de conflit d'intérêt ou s'il a été définitivement
radié ou destitué d'une profession réglementée.
Parmi les cas de conflit d'intérêt, la loi cite :
- un intérêt personnel à la procédure,
- un lien direct ou indirect, quelle qu'en soit la nature, entre le conciliateur et
l'un des créanciers ou l'un des dirigeants ou préposés de celui-ci,
- une cause de défiance entre le conciliateur et le débiteur (crainte d'être
trompé, manque de confiance ou soupçon de nature à conduire la conciliationà un échec).
b) Procédure
La demande de récusation doit être effectuée dans les quinze jours de la
notification de la décision désignant le conciliateur. Elle suspend la procédure
jusqu'à désignation d'un nouveau conciliateur ou maintien du premier dans ses
fonctions. Elle est motivée voire accompagnée de justificatifs. Elle est notifiée,
par lettre recommandée avec accusé de réception, au conciliateur qui fait
connaître dans les huit jours son acquiescement à la récusation ou ses motifs
d'opposition. Dans le premier cas, le magistrat procède à son remplacement sans
délai.
Si le magistrat ne fait pas droit à la demande du requérant, ce dernier peut faire
appel dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (sans
qu'il lui soit nécessaire de recourir aux services d'un avocat).
III. EFFETS DE LA PROCÉDURE DE CONCILIATION
L'ouverture de la procédure de conciliation n'emporte pas dessaisissement du
débiteur qui continue à gérer son entreprise ou sa société.
Tant qu'une procédure de conciliation est ouverte, il est fait obstacle aux
procédures collectives (voir fiches Le redressement judiciaire et La liquidation
judiciaire).
En revanche, elle n'a pas pour effet de suspendre les poursuites individuelles des
créanciers. Si au cours de la procédure, un créancier poursuit le débiteur, le juge
pourra, à sa demande et après éclaircissements du conciliateur lui accorder des
délais de paiement en application des articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil.
En cas d'accord, le débiteur peut, en vertu de l'article L. 611-8 du Code de
commerce, faire constater ou homologuer l'accord par le juge.
Remarque :
L'homologation est obligatoire quand l'accord concerne tous les créanciers sinon
elle est facultative.
A. Homologation
Avant de procéder à l'homologation de l'accord, le tribunal procède à l'audition
en chambre du conseil du débiteur, des créanciers parties à l'accord, des
représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel, du
conciliateur et du ministère public.
Le tribunal homologue l'accord à la demande du débiteur. Cette homologation
n'est possible que si les conditions suivantes sont réunies :
- le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ;
- les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de
l'entreprise ;
- l'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.
1. Publicité du jugement
Le jugement d'homologation est notifié au débiteur et aux créanciers signataires
de l'accord. Il est ensuite communiqué au conciliateur et au ministère public.
Il est susceptible d'appel et les parties sont dispensées du ministère d'un avocat.
Le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre
connaissance. Il fait également l'objet de mesures de publicité effectuées d'office
par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
Remarque :
le contenu même de l'accord n'est communiqué qu'aux parties et aux personnes
qui peuvent s'en prévaloir.
2. Effet de l'accord homologué
L'accord homologué suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en
justice et toute poursuite individuelle en vue d'obtenir le paiement des créances
qui en font l'objet (contrairement à la procédure de conciliation qui n'a pas pour
effet de suspendre les poursuites individuelles) .
Il entraîne la levée de l'interdiction d'émettre des chèques mise en oeuvre à
l'occasion du rejet d'un chèque émis avant l'ouverture de la procédure de
conciliation.
Remarque:
les coobligés, cautions ou garants autonomes peuvent se prévaloir de l'accord
homologué.
L'homologation de l'accord met fin à la procédure de conciliation.
Saisi par l'une des parties à l'accord homologué, le tribunal, s'il constate
l'inexécution des engagements résultant de cet accord, prononce la résolution de
celui-ci ainsi que la déchéance de tout délai de paiement accordé.
B. Constatation
Si les parties ne souhaitent pas que l'accord soit homologué (notamment pouréviter que son existence soit portée à la connaissance du public), le président du
tribunal de commerce ne fait que constater l'accord et lui donner force
exécutoire.
En vue de la constatation de l'accord, le débiteur doit adresser une déclaration
certifiée attestant qu'il ne se trouvait pas en état de cessation des paiements lors
de la conclusion de l'accord ou que l'accord y met fin.
Cette décision n'est pas soumise à publicité et n'est pas non plus susceptible de
recours. Elle demeure confidentielle et met fin à la procédure de conciliation
(article L. 611-8 du Code de commerce).
L'accord et la déclaration certifiée du débiteur qui lui est annexée sont déposés
au greffe. Seules les parties et les personnes qui peuvent se prévaloir de l'accord
peuvent en obtenir copie valant titre exécutoire.
IV. SITUATION DES CRÉANCIERS
A. "Privilège de la conciliation"
En cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire
ou de liquidation judiciaire, consécutive à l'homologation, les créanciers qui ont
consenti, dans l'accord homologué, un nouvel apport en trésorerie au débiteur
(un nouveau bien ou fourniture de service) en vue d'assurer la poursuite
d'activité de l'entreprise et sa pérennité sont payés par privilège avant toutes
créances nées antérieurement à l'ouverture de la conciliation.
Pour que cette garantie puisse jouer, il faut, d'une part, que l'accord de
conciliation soit homologué et, d'autre part, que l'apport en trésorerie (nouveau
bien ou fourniture de service) soit consenti dans l'accord homologué.
Seuls le superprivilège des salaires et les frais de justice antérieurs l'emportent
sur les créanciers privilégiées.
Attention : cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les
actionnaires ou associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital
(article L. 611-11 du Code de commerce).
B. Sécurité
Afin de garantir la sécurité des créanciers, il est impossible, sauf en cas de
fraude, de fixer la date de cessation des paiements avant celle de la décision
définitive d'homologation. Les garanties ainsi offertes aux créanciers à l'occasion
de l'accord ne pourront plus être annulées (article L. 631-8 du Code de
commerce).
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