LA SAUVEGARDE
Innovation de la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.
Attention : pour bénéficier de la procédure de sauvegarde, l'entreprise ne doit pas être en cessation des paiements. Si la cessation des paiements est avérée, le tribunal peut convertir la procédure de sauvegarde en un redressement judiciaire ou prononcer la liquidation judiciaire si un redressement est manifestement
impossible.
I. CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA SAUVEGARDE
A. Qui est concerné ?
La procédure de sauvegarde s'adresse à toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale) ainsi qu'aux autres personnes morales de droit privé (une association, par exemple).
B. Quand faire la demande ?
Lorsque le débiteur justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements.
C. Comment faire la demande ?
Seul le représentant légal de la personne morale ou le débiteur, personne physique, peut demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde auprès du greffe du tribunal compétent. Il doit pour cela exposer la nature des difficultés rencontrées et les raisons pour lesquelles il n'est pas en mesure d'y faire face.
Il doit joindre à sa demande, outre les comptes annuels du dernier exercice, les pièces suivantes établies à la date de la déclaration :
- un extrait k-bis,
- une situation de trésorerie (c’est-à-dire un document comptable qui établit les dettes et les créances de l'entreprise et qui permet donc de connaître sa situation exacte) datant de moins de 8 jours,
- un compte de résultat prévisionnel,
- le nombre des salariés employés à la date de la demande et le montant du chiffre d'affaires apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable,
- l'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication des noms et domicile des créanciers,
- l'état actif et passif des sûretés (c'est-à-dire les garanties accordées aux créanciers pour le recouvrement de leurs créances) ainsi que celui des engagements hors bilan,
- l'inventaire sommaire des biens du débiteur,
- le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés,
- une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ou d'ouverture d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande (dans le cas contraire, une
attestation sur l'honneur faisant état d'une telle désignation ou de l'ouverture d'une telle procédure en mentionnant sa date ainsi que le tribunal qui y a procédé),
- la copie de la décision d'autorisation ou la déclaration, lorsque le débiteur exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du Code de l'environnement.
Ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le représentant de l'entreprise.
Remarque :
en cas d'impossibilité de fournir l'un de ces documents, la demande n'est pas pour autant irrecevable, il suffit, dans ce cas, d'indiquer les motifs de cet empêchement.
II. PROÉDURE
A. Ouverture
Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure après avoir entendu le débiteur et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel. Il peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile.
Le tribunal peut charger un juge de recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise. Cemagistrat peut lui même se faire assister d'un expert de son choix.
Remarque :
la présence du ministère public est obligatoire lors de l'ouverture de la procédure lorsque le débiteur bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les 18 mois qui ont précédé. Dans ce cas, le tribunal peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation. Le tribunal rend un jugement d'ouverture dans lequel il désigne le jugecommissaire mais aussi deux mandataires de justice :
- un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ;
- un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister dans ses actes de gestion.
Remarque :
toutefois, le tribunal n'est pas tenu de désigner un administrateur judiciaire lorsque la procédure est ouverte à l'égard d'une entreprise dont le nombre de salariés est inférieur à vingt et le chiffre d'affaires hors taxe à 3 millions d'euros. Le jugement est ensuite notifié au débiteur par le greffier dans les huit jours de
la date du jugement qui en adresse également copie à :
- l'administrateur et au mandataire judiciaire désignés,
- au procureur de la République,
- au trésorier-payeur général du département dans lequel le débiteur a son siège et, en cas de pluralité d'établissements, à celui du département où se trouve le principal établissement.
Le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné au registre du commerce et des sociétés. Le greffier procède d'office aux formalités de publicité dans les quinze jours de la date du jugement (BODACC, avis de parution dans un journal d'annonces légales).
B. Période d'observation
La procédure de sauvegarde commence par une période d'observation d'une durée maximale de six mois, renouvelable une fois. Elle peut aussi être exceptionnellement prolongée de six mois, à la demande du procureur de la République.
Pendant cette période, l'administration de l'entreprise est assurée par son dirigeant, éventuellement assisté d'un administrateur judiciaire. Il est dressé un inventaire du patrimoine du débiteur. Ce dernier remet à
l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe également des instances éventuelles en cours.
C. Élaboration du plan de sauvegarde
1. Bilan économique et social
L'administrateur établit le bilan économique et social de l'entreprise qui précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise. Au vu de ce bilan, il propose un plan de sauvegarde. De son côté, le mandataire judiciaire dresse la liste des créances déclarées qu'il transmet au juge-commissaire.
2. Établissement et arrêt du plan de sauvegarde
Le plan est adopté par le tribunal. Il indique d'abord les mesures économiques de réorganisation de l'entreprise qui peut comporter l'arrêt, l'adjonction ou la cession d'une ou plusieurs activités. Le plan de sauvegarde prévoit les modalités de règlement des dettes, déduction faite des délais et remises consentis par les créanciers. Lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le
tribunal arrête un plan qui met fin à la période d'observation.
3. Durée du plan de sauvegarde
La durée du plan ne peut excéder dix ans.
4. Exécution du plan de sauvegarde
Le tribunal nomme l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan. Si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, y mettre un terme. Lorsque les difficultés qui ont justifié la procédure de sauvegarde ont disparu, le tribunal clôt la procédure, à la demande du commissaire chargé de l'exécution du plan, du débiteur ou de tout intéressé.
III. EFFETS
A. Sort de l'entreprise
Dans la procédure de sauvegarde, l'entreprise n'est pas à vendre. Toutefois le tribunal peut à tout moment ordonner la cessation partielle de l'activité.
1. Continuation des contrats en cours
La poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de l'activité de l'entreprise. D'autres, en revanche, peuvent être de nature à aggraver la situation déjà fragilisée de l'entreprise. En conséquence, l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours.
Dans le doute, le cocontractant saura que le contrat est résilié de plein droit après envoi d'une mise en demeure à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse.
Lorsque le contrat est poursuivi, chacune des parties doit en exécuter les obligations.
Remarque :
quant au bail commercial, l'administrateur peut également en demander la résiliation. Dans ce cas, elle prend effet au jour de sa demande.
2. Interdiction des paiements
Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture (sauf compensation de créances connexes).
Quant aux créances postérieures au jugement d'ouverture, seules celles nées régulièrement pour les besoins du déroulement de la procédure (ou de la période d'observation) ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pour son activité professionnelle ainsi que celles liées au besoin de la vie courante du
débiteur personne physique et les créances alimentaires sont payées à leur échéance.
B. Sort du débiteur
Pendant toute la durée de la procédure, le dirigeant n'est jamais dessaisi de la gestion de l'entreprise. L'administrateur, quand il y en a un, n'exerce qu'une mission de surveillance ou d'assistance.
L'arrêt du plan par le tribunal entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d'émettre des chèques conformément à l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier, mise en oeuvre à l'occasion du rejet d'un chèque émis avant le jugement d'ouverture de la procédure.
C. Sort des créanciers
1. Comités de créanciers
Attention : seules les entreprises dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés est supérieur à 150 salariés ou le chiffre d'affaires à 20 millions d'euros sont concernées.
L'administrateur judiciaire réunit les établissements de crédit et les principaux fournisseurs de biens ou de services en deux comités dans un délai de trente jours à compter du jugement d'ouverture.
Chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des principaux fournisseurs dès lors que ses créances représentent plus de 5 % du total des créances des fournisseurs. Les autres fournisseurs peuvent en être membres sur sollicitation de l'administrateur,. Les comités sont appelés à se prononcer sur le projet de plan. Après s'être assuré que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés, le tribunal entérine le projet en arrêtant le plan.
Remarque :
l'administration fiscale, les organismes de sécurité sociale et les ASSEDIC sont également associés aux efforts consentis pour sauver l'entreprise et peuvent, dans ce cadre, accepter de remettre tout ou partie des dettes du débiteur (article L. 626-6 du Code de commerce).
2. Créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure
a) Déclaration de créance
A partir de la publication du jugement, tous les créanciers (à l'exception des salariés) dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, adressent, au représentant des créanciers, la déclaration de leurs créances en vertu des articles L. 622-24 et suivants du Code de commerce. Le délai pour procéder à cette formalité est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture.
b) Arrêt des poursuites individuelles
Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement. Il en est de même pour les voies d'exécution.
c) Arrêt du cours des intérêts
Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt ou d'emprunts conclus pour une duréeégale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an
ou plus.
Remarque :
les personnes physiques cautions, coobligées ou ayant donné une garantie autonome peuvent se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts (cas du dirigeant d'entreprise s'étant porté caution).
3. Créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure
Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance. Sinon, elles
sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l'exception du superprivilège des salaires, des frais de justice et du privilège de la conciliation.